Emile Zola - La Bête humaine
Résumé :
Le sang exécrable des Rougon Macquart court dans les veines de Jacques Lantier, fils de Gervaise et héritier d’une lignée maudite. Lantier a assisté au meurtre d’un notable par le chef de gare du Havre. Pour se protéger, la femme de ce dernier, Séverine, le séduit et devient sa maîtresse. Auprès d’elle, et dans les vapeurs de sa chère Lison, sa locomotive, Jacques pense pouvoir conjurer ses pulsions meurtrières, résister à « la bête enragée qu’il sent en lui » à la seule vue de la nudité d’une femme.
Un voyage tragique commence, où la démence, la jalousie et le crime sont portés à l’incandescence dans le plus russe des romans français.
Mon avis :
Quelle honte, me diriez-vous, que depuis le temps que je ne lis, je n'ai toujours pas ouvert un seul livre de Zola. Alors voilà, c'est chose faite. Beaucoup d'avis extérieurs me qualifiaient ce livre de lent, lourd et ennuyeux. Même si effectivement les livres de Zola sont difficiles à lire, j'ai quand même pu terminer La Bête humaine sans difficultés et en l'appréciant tout à fait. Dissipons alors ici quelques idées convenues qui circulent à propos de Zola, notamment chez les lecteurs adolescents.
Lourd, La Bête humaine l'est. Bien sûr qu'il l'est d'ailleurs, c'est une évidence, et je pense que c'est le cas d'une grande majorité d'oeuvres de cet auteur. C'est toute l'atmosphère du livre qui est si bien retranscrite dans cette lourdeur, tout le malaise des personnages, leurs longues réflexions qui n'aboutissent pas toujours, et parfois leur lente dépravation. Enfin, c'est toute la répulsion de Jacques Lantier pour ses envies démentes de meurtre à la seule vue de la nudité des femmes. Celui lui fait peur, cela l'effraie et le fait se haïr lui-même. Car Jacques fait partie de la lignée de Rougon Macquart, cette grande famillle dont Zola s'attache à décrire l'évolution dans l'ensemble de son oeuvre. Fidèle à son hypothèse de naturaliste, disant que ce ne sont pas les héros qui provoquent l'histoire, mais les circonstances qui font des héros leur jouet, Zola nous déploie tout au long de ce livre un incroyable filet qu'il tisse peu à peu pour le resserer jusqu'au bout à la fin. L'histoire est vraiment complexe, riche et digne d'un scénario de roman policier.
Je n'ai pas trouvé ce livre si ennuyeux que cela. Effectivement, certaines descriptions sont bien longues, les détails fourmillent, mais cela est caractéristique du naturalisme. Et j'appuie quand même qu'une multitude d'aventures se passent au cours de l'histoire, péripéties et rebondissements s'enchaînent. J'ai d'ailleurs été surpris parfois, car l'auteur se joue de nos sentiments, ce à quoi je ne m'attendais pas pour un roman de ce genre. On est énervés, impatients, stressés et souvent indignés.
Jacques Lantier ne sera pas la seule bête dans ce roman : tous le seront bien, à la leur manière. Roubaud, brutal et jaloux, enfermé dans le jeux et finalement indifférent à ce qui l'entoure. Séverine, qui dans les bras de Jacques se voit revivre, car elle ne supporte plus son mari, ni même la solitude, et que le meurtre n'effraie pas. Jacques surtout, brave homme au fond sur qui le destin s'acharne. Et une multitude de personnages secondaires le seront aussi.
Le travail de documentation est là, le lecteur le sent bien jusqu'à être dépassé parfois par le savoir acquis. Les descriptions longues et réalistes ajoutent un charme et une identificaton à la réalité indispensable au bouquin. Le style de l'auteur est sans faille, comme une immense machine complexe aux rouages parfaitement huilés, bref sans défauts. Un grand nombre de scènes sont très intéressantes du point de vue littéraire, car elles mériteraient une analyse bien approfondie. La dernière scène, finalement, est particulièrement digne d'intérêt et mémorable. C'est à mon goût la plus grande métaphore du livre, la plus émouvante aussi. Elle combine la beauté et la furie déchaînée dans une dernière explosion de style littéraire, à l'image de l'ensemble du livre qui était comme une poudrière.
La Bête humaine s'adresse à tous les lecteurs un tant soit peu prévenus. C'est une oeuvre d'une très grande force qui vous tiendra dans toute sa longueur.