René Barjavel - Ravages
De l'autre côté de la Seine une coulée de quintessence enflammée atteint, dans les sous-sols de la caserne de Chaillot, ancien Trocadéro, le dépôt de munitions et le laboratoire de recherches des poudres. Une formidable explosion entrouvre la colline. Des pans de murs, des colonnes, des rochers, des tonnes de débris montent au-dessus du fleuve, retombent sur la foule agenouillée qui râle son adoration et sa peur, fendent les crânes, arrachent les membres, brisent les os. Un énorme bloc de terre et de ciment aplatit d'un seul coup la moitié des fidèles de la paroisse du Gros-Caillou. En haut de la Tour, un jet de flammes arrache l'ostensoir des mains du prêtre épouvanté.
Mon avis
Ravage est un livre d'une étonnante réalité. Publié en 1943, l'histoire se déroule en 2058, à Paris. L'homme est devenu entièrement dépendant de la technologie, des machines qui accompagnent leur quotidien. C'est dans ce décor futuriste qu'arrive François Deschamps, un jeune étudiant s'étant présenté au concours d'entrée de l'école de Chimie agricole. Il vient à Paris pour voir les résultats du concours, mais également pour revoir Blanche, son ami d'enfance, avec qui il entend bien se marier. Pendant ce temps, elle a été sélectionné pour un spectacle pestigieux, grâce à sa voix d'or. Son nouveau patron, Jerôme Seita, la trouve fort jolie, et lui propose de venir habiter non loin de lui, dans la Ville d'Or, un immense immeuble réservé aux plus aisés. Elle, grisée par son succès, ne pense plus à François ; elle préfère passer sa vie aux côtés de Jerôme, dans le luxe, qu'avec François. Pourtant, lui n'est pas de cet avis. Alors qu'il prend la ferme résolution de récupérer sa Blanchette, qui s'est fiancée avec Jerôme Seita, une énorme coupure de courant ébranle Paris, et, semble-t-il, le monde avec. Les réservoirs de carburants sont vides, les voitures cloués sur places, les ascenseurs ne fonctionnent plus, toutes les lumières sont éteintes... Et ce n'est là que le début de la misère. Très vite, les avions tombent du ciel, écrasent les maisons, les immeubles, les humains. Les climatisations ne fonctionnent plus, et la chaleur est torride. Les arrivées d'eau ne déservent plus rien. Très vite, des bandes de pillards s'oganisent.
Une nouvelle technologie était arrivée : celle de conserver les morts dans les maisons. On leur fait prendre la position que l'on veut, et ils restent dans une pièce glacée où ils ne pourront se décomposer. Des agents d'entretien se chargent régulièrement de les nettoyer. Ainsi, même morts, ils peuvent continuer à montrer le droit chemin à leur descendance. Pourtant, avec la panne d'électricité, les morts commencent à se décomposer. Ils perdent leur pose souveraines. Les habitants, paniqués, jettent alors les cadavres dans la rue, ou dans la Seine. Des milliers de morts emplissent Paris. L'odeur de charogne en putréfaction et celles de la décompositions sont omniprésentes. Les rats arrivent. Le choléra aussi.
Une cigarette, jetée par inadvertance au milieu des embouteilllages désormais immobiles de voitures, crée un énome incendie. Une par une, les voitures explosent. Rien ne peut arrêter le feu. Les pillages augmentent. Le nombre de morts aussi. Dans les immeubles immenses, haut de plus de cent étages, c'est la débandade. Les ascenseur ne fonctionnant plus, tout le monde se rue dans les escaliers. A la moindre chute, c'est la mort assurée. Les gens piétinent, se marchent dessus, bousculent, crient. C'est la loi du plus fort, la loi du chacun pour soi.
Le feu atteint ensuite des dépôts de munitions. De formidables explosions retentissent.
C'est au milieu de ce décors chaotique, de ce décor infernal, qu'un groupe s'organisent. François et Blanche en font partie. Ils récupèrent le plus de vivres possibles, et s'en vont. Leur but : la Provence. La paix. Leur mince groupe comptera de nouveaux arrivants, en perdra plus encore, et malgré l'enfer qu'ils ont déjà vécus à Paris, il ne sont certainement pas au bout de leur peine. De nombreux obstacles se dresseront sur leur chemin, pourtant ils n'abandonneront jamais.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre, qui montre à quel point le monde de technologie et d'électronique dans lequel nous vivons est un monde d'artifice, un monde irréel. Au moindre disfonctionnement, ce sera l'enfer. Dans ce livre, l'homme ne savait plus se servir de ses mains, alors sans ses précieuses machines, il n'est plus rien. Un simple jouet à la solde infernale de la Nature qui rue, qui se déchaîne. La fin est un bon exemple, qui montre que le mode de vie le plus simple peut être plus profitable à tous.
Pourtant, même si la vie repart de zéro, comme à l'époque du Moyen Âge, il y aura toujours des hommes pour inventer de nouvelles machines. On oubliera les erreurs du passé, et on les reproduiera. Mais ce livre est tout de même un belle leçon de morale, que chacun n'est pas près d'oublier. A tous, je vous le conseille.