Les Royaumes de Jaaline : Premier chapitre, 3ème partie
Quand le maître et son élève arrivèrent dans une étendue clairière à la végétation luxuriante, Nerwen s’arrêta. Jaaline ne put s’empêcher de soupirer : elle était morte de faim. Semblant lire dans ses pensées, Nerwen lui demanda :
- De la viande de crieur te ferait-il plaisir ?
Jaaline hocha vivement la tête.
- Parfait, poursuivit-il. J’ai donc le grand plaisir de t’annoncer que je n’en ai pas amené et que je n’ai pas envie non plus de chasser. Donc, tu devras un trouver un et le tuer toi-même. Mais ne t’inquiète pas si tu n’en trouve pas, nous pourrons manger des racines.
La jeune humaine grimaça. Les racines devaient être la nourriture la plus exécrable au monde. Leur goût âpre et sec était réputé dans toute la Forêt des Elfes.
Mais elle ne s’en faisait pas. Elle n’avait jamais chassé le crieur, mais son habilité au tir à l’arc lui permettrait sans doute d’en tuer un. En revanche, elle s’inquiétait davantage pour le fait d’en trouver un. Elle allait devoir se fier aux cris de ces animaux, reconnaissable entre mille. C’était un cri long et strident qui se terminait par de brefs à-coups. Quoiqu’il en soit, elle devait trouver un arbre qui dominait les autres pour disposer d’une meilleur vue et pour mieux entendre les crieurs. Elle choisit un épineux au tronc massif et aux racines noueuses qui semblait s’élevait au-delà de la cime des arbres. Elle l’escalada sans aucunes difficultés et se retrouva à son sommet en moins d’une minute. L'épineux dépassait de peu les autres mais, du haut de son perchoir, sa vision recouvrait une bonne partie de la forêt. Elle s’adossa à une branche et se remémora les leçons que lui avait apprise Nerwen.
Essaye de te fondre dans l’environnement qui t’entoure. Tu dois percevoir la présence de chaque arbre, chaque buisson, chaque pierre. Offre toi à la nature. Elle doit faire partie de ton corps.
Elle inspira profondément. Ferma les yeux. Trop de bruits peuplaient la forêt pour qu’elle les entende tous. Offre toi à la nature. Elle doit faire partie de ton corps. Elle se concentra sur le bruit du vent. Il glissai sur elle comme sur du papier, mais lui apportait néanmoins des bruits sauvages. Impression fugace de percevoir un son, il disparaissait dès qu’elle croyait en tenir un. Elle essaya autrement. Ne pas vouloir écouter le vent, plutôt le laisser pénétrer en elle. Elle se sollicita d’ouvrir son esprit au vent, mais ne réussit qu’à y ouvrir une infime brèche. Elle poussa encore plus loin l’embrasure qui accédait à son esprit, et il y eu un éclatement. Eclatement de son et de bruits, de bourdonnement et de chuintement. Les clapotis d’une rivière, un couple de renards s’amusant dans l’herbe ou même les battements fou du cœur d’un daim après une course effrénée. Jaaline se laissa emporter quelques instants par cette sensation jouissive, puis se força à l’ignorer pour se concentrer sur son objectif. Elle n’eut aucun mal à repérer une horde de crieur qui s’abreuvait près d’un ruisseau, à une centaine de coudées de là. Elle grava dans sa mémoire l’endroit où ils se trouvaient et coupa avec regret son lien avec le vent. Puis, sans une ombre d’hésitation elle se jeta dans le vide. L’entraînement extrême que lui faisait effectuer Nerwen chaque jour lui permettait d’accomplir des exploits prodigieux. Elle se rattrapa de justesse à une branche et s’élança en direction d’une autre. Elle continua ainsi pendant un bon moment, puis s’arrêta en haut d’un arbre. La troupe de crieurs se trouvait là, en train de dorer leurs plumages rougeoyant au soleil. Elle encocha une flèche et s’apprêtai à tirer lorsqu’un mouvement imperceptible dans les hautes herbes, de l’autre côté de la rivière, la figea.